Sous le motif louable de permettre l’accès de tous à la culture, notre société l’a en fait complètement dévalorisée. Les normes du raffinement, de l’esthétique, de la beauté ont été si réduites pour plaire aux masses que ces valeurs n’ont plus de véritable sens. L’auteur cite de nombreux exemples à l’appui de sa thèse : la baisse du niveau du baccalauréat (pour atteindre les objectifs en nombre de bacheliers), la culture à la télévision remplacée par du divertissement (abusivement qualifié de culturel), l’importance prises par les acteurs au détriment des auteurs, l’égalitarisme forcené de ranger au même niveau toute production dite culturelle avec les chefs d’œuvre du passé, etc.
Si les rimes des chansonniers d’aujourd’hui ont la même valeur que les poèmes de Rimbaud, alors tout devient « culture », tant et si bien que ce terme galvaudé ne veut plus rien dire. Pire : les portes du temple sont à présent grandes ouvertes aux forces de l’argent pour qui le livre devient un « produit » et le Louvre une « marque ». La grande déculturation est en marche.
C’est ce constat pessimiste que l’auteur nous dresse, dans un style remarquable. Une démonstration à laquelle tout esthète ne peut que souscrire, et qui devrait faire réfléchir tout véritable progressiste un tant soit peu lucide. Pour Camus, la véritable culture est nécessairement élitiste, l’apanage d’une minorité : il célèbre les musées vides où les œuvres peuvent être admirées en silence par ceux en mesure de les apprécier véritablement. Sans aller jusque là, il est certain que l’accès du plus grand nombre (ou de façon plus réaliste d’un plus grand nombre) à la culture aurait dû se faire en veillant à ne pas écraser l’échelle des valeurs. Tout ne se vaut pas. Un livre à lire par tous les amoureux de la culture, qui la voient disparaître au profit du divertissement et du marché.
Je préfère l'Histoire terminée
Il y a 2 semaines
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